L’UX, c’est l’User experience et l’UI, l’User interface. Dans le premier cas, il s’agit de l’utilisation du produit ou du service, dans le second, davantage de l’aspect visuel et des interactions avec l’outil. Dans les deux cas, l’utilisateur final se trouve au cœur de la démarche : c’est lui qui utilisera le produit concerné. Cela signifie-t-il pour autant qu’il doit avoir le dernier mot, aussi bien sur les fonctionnalités que sur le design ?
Oui, l’utilisateur a toujours raison : le produit doit répondre à ses besoins
L’utilisateur, c’est celui qui va utiliser le produit au quotidien. On peut considérer qu’il sait mieux que personne de quelles fonctionnalités il a besoin et comment il compte naviguer sur l’appli, le site, le programme, etc.
Sur le volet UX, c’est lui qui est le plus à même de savoir ce qui lui manque, en particulier dans un contexte BtoB où, en tant qu’expert, on peut rencontrer des difficultés pour se mettre à sa place, reconnait Corinne Leulier, Head of Design de Frog (Part of Capgemini Invent). C’est pourquoi il est très important d’aller sur le terrain et de faire de la user research, pour comprendre ce qui se joue pendant l’utilisation du produit ou du service. On est sur de l’innovation incrémentale, de l’optimisation, et pas sur de l’innovation de rupture.
L’utilisateur est capable de faire remonter les freins et irritants, d’expliquer ce qu’il n’arrive pas à faire, de définir quelles sont les fonctionnalités qui manquent à l’appel ou qui n’accomplissent pas tout à fait les tâches qu’il a besoin d’accomplir.
C’est la raison pour laquelle on ne lance pas un produit à grande échelle sans avoir procédé à quelques vérifications !
On doit tester auprès des utilisateurs pour s’assurer que le marché soit mature pour accueillir ce produit ou service.
Là encore, c’est un métier : le recrutement d’utilisateurs potentiels mêle des cibles plus ou moins avides de nouveauté, et il existe des protocoles de tests permettant d’évaluer si les obstacles sont simplement liés à un problème passager de prise en main ou s’ils sont plus ancrés dans l’utilisation de l’outil elle-même.
Et du côté de l’UI ? On peut encore une fois considérer que l’utilisateur a toujours raison car le design est, pour beaucoup, une question de goût.
Quand il dit qu’il n’aime pas tel ou tel élément au niveau visuel, c’est une opinion, on ne peut donc pas dire qu’il ait tort.
Il peut aussi exister un décalage entre l’identité visuelle et l’image que l’utilisateur se faisait de la marque… Mais c’est là un autre problème !
Non, il peut avoir tort : il ne connait pas le champ des possibles
En effet, « si l’utilisateur a raison du point de vue de ses goûts personnels, il n’a pas forcément raison par rapport à la marque », souligne Corinne Leulier. Cette couleur ou ce logo ne lui plaît peut-être pas, mais il n’a pas forcément toutes les informations.
On comprend le système dans lequel il se trouve, à la fois sur le volet stratégie de l’organisation et sur le volet opérationnel, ce qui veut dire qu’on a la capacité de faire un pas de côté, d’avoir une vision plus claire de la situation dans laquelle l’utilisateur se trouve. Il existe des outils pour analyser ce genre de choses et faire des propositions.
D’autant plus qu’en-dehors des problématiques purement liées à l’entreprise et à la situation, l’utilisateur ne sait pas toujours ce qui est faisable d’un point de vue technique… Ni même de quoi il a réellement besoin ! « Par essence, un être humain a du mal à se projeter car naturellement, il se limite par rapport à ce qu’il connait déjà. On le voit dans les ateliers d’idéation : il est difficile d’imaginer des choses qui n’existent pas encore. » C’est le problème de toute tentative d’innovation, illustré par Henry Ford et son fameux « Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu : “des chevaux plus rapides” » !
C’est bien l’une des raisons pour lesquelles il existe des professionnels : leur capacité d’innovation, et leur expérience de ce qui se fait ailleurs. « On fait beaucoup de benchmark dans d’autres secteurs et dans des pays qui ont une maturité différente, explique Corinne Leulier. Cela donne des idées pour nourrir la problématique et trouver d’autres poches de créativité. »
Au final, tout est une question de dosage : oui, l’utilisateur a raison puisque le produit est créé pour lui, mais il faut aussi savoir l’orienter vers des solutions qui ne lui seraient pas venues à l’esprit !