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Le métier de cryptologue : « J’aime devoir penser comme un adversaire »

Féru de maths et de défis ? Prêt à vulgariser vos missions ultra-techniques auprès d’un public qui n’y connait pas grand-chose ? A passer des heures à lire les publications dans votre domaine ? Le métier de cryptologue est peut-être fait pour vous !

Féru de maths et de défis ? Prêt à vulgariser vos missions ultra-techniques auprès d’un public qui n’y connait pas grand-chose ? A passer des heures à lire les publications dans votre domaine ? Le métier de cryptologue, celui qu’exerce Marc Beunardeau, est peut-être fait pour vous !

Comment êtes-vous devenu cryptologue ?
Je suis entré à l’ENS, l’École normale supérieure de Cachan (devenue ENS Paris-Saclay), où j’ai étudié l’informatique théorique pendant trois ans. J’ai découvert la cryptographie en Master et comme cela m’a intéressé, j’ai choisi un stage dans ce domaine et rédigé ma thèse sur le sujet. Je suis actuellement cryptologue depuis 3 ans à Nomadic Labs, l’un des plus grands centres de recherche et développement de la blockchain Tezos. C’est un parcours assez classique, certains passent d’abord par les maths, mais dans l’ensemble, si on n’a pas fait de cryptographie pendant ses études, on ne la découvre pas après.

En quoi consiste le métier ?
Il y a trois aspects : parler aux gens côté business pour comprendre leurs problèmes, lire pour découvrir des solutions innovantes, et implémenter ces solutions. Je suis donc un peu développeur aussi. Cela fait deux ans que je travaille plus ou moins sur la même chose : la blockchain Tezos. Dans ce domaine, il y a des questions de “privacy”, puisque tout est publié pour que les gens puissent vérifier le résultat de certains calculs. Il existe ce qu’on appelle les PET, Privacy enhancing technology, pour donner une preuve cryptographique de la correction de quelque chose sans donner tous les calculs. Les décideurs vont dire « Voilà ce que je veux cacher et le résultat que je veux avoir », et mon rôle est de trouver et d’implémenter une solution.

Quels conseils donneriez-vous à de futurs cryptologues ?
Il faut toujours essayer de garder un pied dans la théorie et l’autre dans la pratique. Si vous n’êtes que dans la pratique, vous allez vite être largué, et si vous n’êtes que dans la théorie, vous imaginerez plein de solutions parfaites sur le papier qui n’auront aucun intérêt dans la réalité.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus et le moins dans votre métier ?
L’intérêt premier du métier est évident : faire des maths… Quand on aime ça ! J’aime aussi le fait de devoir penser comme un adversaire. Je ne dois pas faire quelque chose qui marche, mais quelque chose d’incassable. La contrepartie, c’est que ce que l’on construit peut aussi régresser si les attaquants deviennent meilleurs ! C’est une manière de penser qui m’intéresse. En revanche, je trouve parfois compliqué de parler aux décideurs. La vulgarisation est intéressante, mais comme il n’y a jamais de réponse simple, la communication peut être difficile.

A votre avis, comment le métier va-t-il évoluer ?
Dans les prochaines décennies, l’ordinateur quantique pourra tout changer, un grand nombre de techniques employées aujourd’hui devront être revues.

Une expérience fun à partager ?
Je ne sais pas si c’est fun, mais maintenant, quand les gens disent « crypto », ils parlent de crypto-monnaie, alors que pendant 40 ans on l’a utilisé pour la cryptographie… Sachez que ça agace tous les cryptographes !

Un truc en plus ?
ePrint, tous les papiers de cryptographie y sortent, il faut le regarder toutes les semaines !

Propos recueillis par Séverine Dégallaix

Pour en savoir plus sur le métier de Cryptologue, rendez-vous sur notre fiche métier détaillée !